Plusieurs juridictions françaises vont se prononcer dans les prochains mois sur la responsabilité du certificateur des implants mammaires frelatés qui avait rendu possible leur commercialisation dans le monde entier jusqu’en 2010. Corolairement à la question de la responsabilité civile de TUV Rheinland, les tribunaux devront déterminer les modalités d’indemnisation des 300 000 victimes, dont 25 000 ont d’ores et déjà demandé réparation à la justice.
1. PROCEDURES ET CALENDRIER
voir le détail ici
2. LA RESPONSABILITE CIVILE RESTE DISTINCTE DES ENJEUX DES PROCEDURES PENALES.
L’affaire PIP
a rappelé que l’on pouvait être déclaré victime au pénal tout en étant
responsable au civil. Cette situation que TUV feint d’ériger en paradoxe n’a
rien d’exceptionnel et est parfaitement admise en droit. C’est la situation de
celui qui loue une voiture, qu’il se fait voler après l’avoir laissée sans
surveillance les clés sur la portière: au pénal, il est bien victime d’un vol;
au civil, il engage sa responsabilité à l’égard du loueur de voiture.
Toutes les
juridictions qui ont statué au civil, y compris la Cour de Cassation, ont
considéré à juste titre que le volet pénal n’avait pas d’impact sur
l’appréciation de la responsabilité civile de TUV.
Le Tribunal
correctionnel qui a condamné Jean-Claude Mas et ses complices pour tromperie et
ont admis TUV Allemagne parmi les victimes (à la différence de TUV France), l’a
d’ailleurs explicité dans sa décision du 10 décembre 2013, prévenant ainsi
toute ambiguïté: « Il est constant que d’éventuelles fautes ou négligences commises [par la société TÜV] dans l’exécution de la mission dont elle
était chargée sont sans incidence sur le délit d’escroquerie dont
elle a été victime et qui lui a causé un préjudice… » et inversement.
Le juge
pénal a également retenu que les femmes porteuses des implants PIP avaient
été « mises en confiance par
les garanties dont ces produits étaient entourés en ce qu’ils bénéficiaient d’une
certification CE requérant des contrôles et tests de qualité sérieux et
approfondis » et « qu’elles
croyaient acquérir un dispositif médical implantable conforme aux normes
établies par la législation européenne et par conséquent soumis à tous les
tests exigés par celle-ci ».
De fait, dans le cadre de l’instruction en cours pour homicide et blessures involontaires TUV RHEINLAND a été placé par le juge d’instruction, sous le statut témoin assisté.
3. LA DISSIMULATION DES ARCHIVES PIP A LA JUSTICE FRANÇAISE
En
2012, TUV a fait rapatrier d’urgence en Allemagne les archives PIP entreposées
chez sa filiale française avant une
perquisition dans ses locaux.
Le directeur de TÜV
France, Monsieur
LESIEUR, indiquait ainsi aux enquêteurs que sur demande de TÜV Allemagne, « toute la documentation concernant PIP » a été rapatriée en Allemagne…
Un responsable
de TÜV Allemagne est même venu en France personnellement « s’assurer qu’aucun document concernant la
société Poly Implant Prothèse n’a été conservé dans les locaux du TÜV
France ».
C’est trois semaines plus
tard, en mars 2012, que les sociétés TUV remettront aux enquêteurs sur CD Rom
les pièces de ces archives sélectionnées par leurs soins, de sorte que le
dossier a été instruit au vu des éléments que TUV a bien voulu remettre à la
justice française.
Plus récemment, en
septembre 2020, le
Tribunal de Nanterre a rendu une ordonnance désignant un huissier pour se
rendre chez TUV afin d’obtenir des explications sur la localisation et
l’inventaire existant de ces archives, et aux fins de récupérer celles-ci dans
leur intégralité.
TUV a refusé de s’exécuter de sorte que l’huissier n’a pu remplir sa mission.
4. LE COURRIEL DE TUV FRANCE A TUV ALLEMAGNE : « JE SUIS MORT ».
Si TUV a rapatrié ses
archives, les
enquêteurs ont pu saisir un échange d’emails datant de 2011 entre le
responsable du département médical chez TUV France (M. DURAND- VIEL) et son
homologue allemand qu’il interroge, paniqué à l’idée de devoir répondre à des
questions devant un juge :
« Que sont
supposés vérifier les auditeurs …Je peux
sembler étrange que, après presque 600 audits, je doive vous poser cette question!!! »…
Il y relève qu’il subit un entrainement avec
les avocats de TUV pour se préparer aux auditions : « Je
n’ai eu aucune difficulté pour répondre à la première série de questions, mais après 2 heures et 40 questions
délicates, j’ai commencé à donner des réponses contradictoires (ou
incohérentes), particulièrement quant au point ci-dessus (…) »
Il y reconnait qu’il procédait à ses audits
sans disposer du dossier de conception : il devait vérifier en cuisine que
le livre des recettes était bien appliqué mais ne l’avait pas avec lui :
« je n’avais
aucune copie avec moi du dossier de conception où les informations sur la
matière première déclarée par PIP ont été mentionnées, donc ils [les avocats de TÜV] m’ont
demandé pourquoi j’ai vraiment écrit toutes ces informations dans mes notes
écrites à la main (et dans le rapport) si j’étais incapable de vérifier si
c’était correct ? Qui était supposé vérifier si la référence
correcte de matière première a été utilisée ? … »
M. DURAND VIELajoute dans son email du 12 janvier
2011 que les avocats de TUV ont relevé que certaines années seuls des
auditeurs français réalisaient les audits:
« De plus, ils [les avocats du TÜV] ont soulevé le point
sur le fait que 2 auditeurs français avaient exécuté l’audit de 2009, (…) Ils [les
avocats du TÜV] ont dit que cette
situation pourrait avoir conduit à un manque de la communication [entre la France et l’Allemagne], qui
peut expliquer pourquoi nous étions incapables de vérifier les choses
correctement… »
Son homologue allemande ne
lui répondant pas, M. DURAND VIEL insiste par un deuxième email du 14 janvier
2011 :
Que sont supposés
vérifier les auditeurs quand ils exécutent un audit de l’annexe II.3 (suivi
d’une annexe II.4) pour les produits de la classe III ? Ont-ils la mission de
vérifier la cohérence des matières et des processus audités sur le site avec le
contenu du dossier de conception qui a été approuvé à Cologne ?
Je vois seulement 2
possibilités:
- L’auditeur
est supposé vérifier la cohérence entre le dossier conception qui a été évalué
et le procédé de fabrication réel (incluant les références des matières
premières): dans ce cas, je suis mort, parce que j’étais incapable de le
faire, prenant en compte le fait que je n’avais pas d’accès au contenu du
dossier conception à Cologne,
- Ou
l’auditeur n’est pas supposé vérifier cette cohérence: alors c’est bien pour
moi, mais les questions suivantes viennent: qui est supposé le vérifier ? ?
? Nous ne pourrons pas éviter cette question. De nouveau, 2 possibilités:
2.1Si c’est le Comité de Certification de l’Organisme
Notifié, donc ceci expliquerait pourquoi j’ai enregistré toutes les
informations concernant les références des matières premières, pour permettre
au comité de Certification de comparer ce que j’ai vu avec le contenu du
dossier de conception (mais le
Comité de Certification de l’Organisme Notifié n’a jamais effectué une
telle comparaison se contentant du travail des auditeurs français)
2.2Sinon, alors QUI C’EST? ? ? Peut-être personne, mais alors nos contradicteurs
indiquerontfacilement un manque
énorme dans le système, parce que nous
vérifions un beau dossier de conception, mais personne ne vérifie si c’est en
accord avec la pratique réelle de la société!!!
Tout le dossier est pratiquement résumé ici : le
responsable de TUV se demande qui devait vérifier que le dossier de conception
était appliqué réellement chez le fabricant.
Il avoue que TUV France ne pouvait le faire car elle ne connaissait pas
le dossier de conception et n’était pas habilitée, et que dès lors que TUV
Rheinland Allemagne n’a pas fait non plus cette vérification, rien n’a été
audité sérieusement. Les dirigeants de PIP pouvaient faire ce qu’ils voulaient.
Dès
2011 cette analyse communiquée en interne au sein de TUV acte donc des
manquements dans le contrôle de PIP, révélant notamment une complète
défaillance en ce qui concerne la vérification des matières premières.
Au cours des 9 dernières années TUV Rheinland a cherché à nier et dissimuler cette faute majeure dans l’exécution de sa mission d’organisme notifié au mépris de la délégation de service public que lui confère ce statut. Le No 2 mondial de l’assurance qualité se devait d’être le garant de la sécurité qu’est supposé assurer le marquage CE (conformité européenne). Il s’agit de l’objectif essentiel de la réglementation : s’assurer qu’aucun dispositif médical mis sur le marché ne compromette la santé des utilisateurs.
5. L’INTERVENTION DE TUV FRANCE
TUV France
n’était pas habilitée à certifier les dispositifs médicaux mais uniquement
les appareils électriques basse tension. Le fait que ce soit cette
entité qui a effectué la plupart des audits de contrôle de PIP constitue en
soi une infraction à la législation européenne.
L’intervention
des auditeurs de TUV France est un point clé qui explique pourquoi TUV n’a rien vu, alors que les éléments laissant apparaitre la
non-conformité des implants n’étaient pas dissimulés.
TUV Allemagne,
qui portait la responsabilité de la délivrance des certificats garantissant la
qualité et la conformité des implants l’a bien compris. C’est assurément ce qui
l’a motivée à prétendre au début de sa mise en cause que sa filiale française
n’avait joué aucun rôle dans le contrôle de PIP, si ce n’est celui d’un
« point de contact ». Ce n’est
qu’après que le tribunal de commerce de Toulon l’a contrainte à fournir
certains documents, que TUV a reconnu l’intervention de TUV France, dans un revirement
de la défense qui interroge. Elle a alors communiqué un contrat de
sous-traitance entre TUV Allemagne et TUV France daté de 1997, qu’elle aurait
donc préalablement volontairement dissimulé.
A également
été découvert un
flux continu de facturation entre TUV France et PIP pour des prestations en
relation avec la certification des implants PIP depuis 1997 jusqu’en 2010, qui
montrent que TUV France a facturé à PIP le travail de ses propres employés et
non ceux de TUV Allemagne.
Visiblement
embarrassée, TUV a changé de nouveau d’argumentation en faisant valoir que TUV
France était intervenue comme sous-traitant comme la réglementation le lui
aurait permis. Sauf que la réglementation ne prévoit cette possibilité que pour
la simple constatation de faits dans un cadre très limité et pour des tâches ponctuelles.
Or, il a été mis en évidence que les auditeurs de TUV France avaient réalisé
l’essentiel des audits ce qui est totalement contraire à une sous-traitance
autorisée.
L’examen de la facturation fait
apparaître qu’entre 2001 et 2010, PIP a été facturé à 75% par TUV France
et seulement à 25% par TUV Allemagne, ce qui contredit la thèse de TUV : un
sous-traitant ponctuel ne peut pas facturer 75% d’un marché, sauf s’il fait
lui-même l’essentiel des prestations.
Les juges du
Tribunal de commerce de Toulon ont bien analysé le dossier en 2013 en jugeant
que c’est en réalité TUV Allemagne qui apparaissait avoir été le
sous-traitant de TUV France.
Devant cette
énième contradiction, TUV a développé une nouvelle thèse en faisant valoir
qu’en réalité, c’est TUV Allemagne qui avait « hébergé » les
auditeurs de TUV France qui seraient intervenus sous son contrôle. Elle a ainsi
abandonné la thèse de la sous-traitance pour soutenir que c’est bien TUV
Allemagne qui avait tout effectué, ce qui est une nouvelle fois contredit par
les faits.
La conduite des audits par des auditeurs français non habilités et qui ne disposaient pas du dossier de conception explique les défaillances des contrôles, notamment en ce qui concerne les matières premières.
6. LE CONTROLE DES MATIERES PREMIERES
On le sait PIP n’utilisait le gel autorisé de marque
Nusil que pour une très faible part de sa production : moins de 15%.
Les employés de TUV indiquent au cours de leurs
interrogatoires que le contrôle des matières premières (et donc des achats)
faisait partie de leurs obligations:
Les conditions générales et le contrat liant TUV à
PIP le prévoyaient en conférant au certificateur de forts moyens de contrôle.
Mais le dossier de conception se trouvait dans les
bureaux de TUV Allemagne. Ce référentiel détaillait les caractéristiques
techniques du gel Nusil autorisé ainsi que ses dosages ou modes d’utilisation.
C’est de la conformité aux indications portées dans cet épais classeur que
dépendait le marquage CE, équivalent pour les dispositifs médicaux d’une
autorisation de mise sur le marché
Il
est clairement établi que si PIP dissimulait l’utilisation du gel industriel
Brenntag, grâce notamment à une
clé USB sur laquelle Jean-Claude Mas stockait une fausse comptabilité, elle n’a jamais modifié les quantités
exactes de gel Nusil qu’elle achetait. Cet aspect n’était pas maquillé alors
qu’une fraude élaborée aurait consisté à gonfler artificiellement les quantités
exactes de Nusil.
Hanelore FONT (directrice qualité de PIP) : « Oui, concernant mon service rien n’a
été dissimulé et rien ne devait l’être…Tout ce qui concernait
Brenntag n’apparaissait pas le temps de la visite de TUV. Les chiffres (NUSIL)
n’étaient pas modifiés ». Loic Gossard : seules disparaissaient
« les commandes des fournisseurs indésirables» (soit le fournisseur Brenntag).
Les auditeurs français de TUV, dépourvus du document
de référence, ne pouvaient cependant vérifier les quantités de gel nécessaires
ni comparer leurs éventuelles constatations avec les dosages qui y sont
décrits. Ils se retrouvaient en quelque sorte dans le rôle d’inspecteurs
chargés de s’assurer qu’un cuisinier prépare correctement un plat, mais sans en
connaitre ni la recette ni les ingrédients et en oubliant d’aller en cuisine.
L’examen de l’historique des achats de PIP met en
évidence que les auditeurs de TUV ne contrôlaient pas les matières premières.
Il est en effet apparu que PIP ne s’est pas approvisionné en gel Nusil pendant
des périodes dépassant 12 mois. En
particulier, en 2004, PIP n’a commandé aucune quantité de Nusil et en 2005
seulement 695 KG (alors que quelques 40 tonnes auraient été nécessaires)
Or les contrôles avaient une périodicité minimale
d’un an. Si une vérification des composants du gel de silicone avait été
effectuée, les employés de TUV auraient fait le constat :
- que
le délai de légal d’utilisation de 6 mois était dépassé
- que
les mêmes numéros de lot apparaissaient d’une année sur l’autre.
Une simple lecture de la liste d’approvisionnement
aurait permis aux employés de TUV de se rendre compte que les quantités
achetées ne coïncidaient pas avec celles produites.
Les avocats de TUV ont pour leur part expliqué que
Tuv procédait par sondage et sur échantillon.
Or en 2004, il y avait zéro gramme de Nusil. Quand on
sonde le vide, que peut-on bien trouver ?
TUV pouvait par ailleurs interroger NUSIL et/ou se
rendre à son siège européen (situé à 130 Km de celui de PIP) ce qui lui aurait
permis de faire le constat que PIP ne commandait que très peu ou pas du tout de
Nusil.
Cet aveuglement de TUV est à mettre en relation avec
son laxisme général vis-à-vis de PIP. Il a en effet été mis en évidence que TUV
ne respectait pas le calendrier des audits :
il pouvait s’écouler près d’un an et demi entre deux visites bien
au-delà de la période maximale de 12 mois.
TUV renouvelait ses certifications plusieurs mois avant de réaliser les audits correspondants. En d’autres termes PIP vendait grâce à des certificats délivrés sans contrôle. Certains documents n’étaient ni datés ni signés par TUV.
7. L’ABSENCE D’INDEPENDANCE
La directive européenne sur les dispositifs médicaux
indique que les organismes notifiés sont soumis à une obligation
d’indépendance.
La Cour de Cassation l’a d’ailleurs rappelé dans son
arrêt du 10 octobre 2018 : « l’organisme et le personnel
chargés du contrôle doivent être libres de toutes les pressions et incitations,
notamment d’ordre financier, pouvant influencer leur jugement ou les résultats
de leur contrôle… ».
Or TUV facturait des prestations de conseil et de
formation à PIP, établissant
ainsi une relation commerciale avec le fabricant qu’elle était supposée
contrôler. TUV France a notamment accompagné PIP pour pénétrer le marché
asiatique.
On peut ajouter à titre plus anecdotique que les
invitations au restaurant acceptées par l’inspecteur de TUV, par ailleurs natif
de la Seyne-sur-Mer où PIP avait son siège, laissent dubitatifs sur la volonté
d’indépendance de TUV.
Les employés de PIP ont souligné la proximité qui les liait à TUV. M. Gossart a ainsi indiqué aux enquêteurs : « Que ce soit l’AFFSAPS, la FDA ou le TGA australien, ils ont tous trouvé des anomalies notables. Seul TUV n’a jamais rien découvert…. Les autres agences ne sont pas rémunérées par PIP. Nous n’avions pas les mêmes relations avec TUV et les agences de santé. Nous déjeunions systématiquement avec les auditeurs, ce n’était pas le cas avec les inspecteurs des agences ».
8. DES INDICES DE NON-CONFORMITE MULTIPLES ET REPETES
Les alertes autour des produits PIP étaient
nombreuses et nécessairement connues de TUV.
- Ainsi dès 2001 la FDA (Food & Drug Administration) adresse une
lettre à PIP dans laquelle elle
liste une impressionnante série de défaillances constatées dans l’application du
système de qualité de PIP. En conséquence les implants PIP furent
définitivement bannis des marchés américain et canadien pendant que TUV les a
certifiés
- La TGA australienne a également alerté PIP sur
de multiples non-conformités.
- TUV a été informée de plaintes et d’actions de
groupe en Angleterre concernant les implants PIP.
- Enfin la MHRA –l’agence de santé
britannique- a adressé en 2007 une lettre d’alerte à PIP et à ZLG l’organisme
de tutelle de TUV en Allemagne au sujet précisément de non-conformités. ZLG a
lui-même envoyé une lettre sur le sujet à TUV. Cette plainte faisait suite à un
premier signalement en 2002. La MDA britannique était également intervenue en
2000
Malgré des demandes répétées des victimes, TUV s’est
opiniâtrement refusé à verser ces lettres aux débats jusqu’à s’opposer à l’exécution par huissier de
l’ordonnance d’un juge.
On peut ajouter qu’entraient dans les diligences de
TUV de s’assurer de la mise en place effective d’un système de suivi des
alertes de matériovigilance. Au vu du nombre de cas recensés, elle aurait dû
s’interroger.
Pour les victimes ces indices de non-conformité
rendent inéluctable la condamnation de TUV.
La Cour de cassation indique en effet dans son arrêt
de 2018 qu’en présence de tels indices, TUV devait en tant qu’organisme notifié
- procéder au contrôle des matières premières
(obligation qui lui incombait même en l’absence de tels indices, cf supra) ;
- contrôler les produits finis ;
- organiser des visites inopinées.
TUV n’ayant accompli aucune de ces exigences, on voit mal comment les juges pourraient ne pas retenir sa responsabilité.
CONCLUSION
Il paraitrait incompréhensible dans ces
conditions que les juridictions civiles saisies de l’affaire statuent dans le
sens de la décision d’Aix-en-Provence de 2015 ayant de manière surprenante
dédouané TUV, décision que la Cour de cassation a entièrement annulé après
avoir relevé ses insuffisances et ses contradictions.
- Ce
serait incompréhensible quant à la
fiabilité du marquage CE sur laquelle repose l’industrie européenne.
- Ce
serait incompréhensible eu égard aux responsabilités
confiée par l’Union Européenne aux acteurs de la certification et à leurs
assureurs et qui n’auraient alors aucune motivation pour modifier leurs
pratiques dans le sens d’un contrôle strict et réel.
- Ce
serait incompréhensible du point de vue du contribuable
français :
Si les victimes devaient être privées d’indemnisation
au civil, elles n’auraient d’autre choix que de se constituer partie civile dans
la procédure pénale en cours d’instruction pour blessures involontaires, avec
une prise en charge des frais d’expertise par le denier public. Cela leur
ouvrirait la possibilité de bénéficier de la garantie du fonds public SARVI,
chargé d’indemniser les victimes d’infraction dont les auteurs sont
insolvables. Alors que cet organisme a déjà versé plusieurs millions d’euros à des
patientes dans le volet escroquerie, le montant pourrait atteindre 750 millions
d’euros compte tenu du nombre total de victimes. Cela viendrait s’ajouter aux 18
millions d’euros dépensés par la sécurité sociale pour permettre aux assurées
sociales française de se faire retirer les implants frauduleux.
Les victimes PIP considèrent que le dossier est accablant contre le
certificateur TUV Rheinland. Il doit supporter les conséquences du scandale que
le respect de ses obligations aurait dû conduire à éviter et à prévenir.